Mieux connaître ce que l’on aime
Les bulles jouent un rôle primordial dans la dégustation d’un vin effervescent. Leur aspect esthétique ne cesse de nous enchanter : lorsque ces colonnes de petites particules de gaz montent vers la surface du verre, forment une collerette de mousse, éclatent et libèrent leurs arômes, le vin prend une autre dimension. Un peu mystérieuse, la formation des bulles est l’objet de beaucoup d’idées reçues, mais des travaux scientifiques récents permettent de mieux comprendre ce phénomène ( [1] Les vins effervescents, du terroir à la bulle, éditions Dunod).
Enfin libres !
Libérons-les tout d’abord de la bouteille (attention : un bouchon incontrôlé peut jaillir à une vitesse de 50 km/h !). La fumée blanche qui s’échappe à ce moment-là n’est pas, comme on le croit souvent, de la vapeur de gaz carbonique mais de la vapeur d’eau contenue dans le gaz du col de la bouteille ; celle-ci se condense sous l’effet de la brusque variation de pression entre celle de la bouteille et la pression atmosphérique. Le gaz carbonique emprisonné dans la bouteille prend alors la fuite obéissant au vieux principe d’Achimède ( « tout corps plongé dans un fluide subit une force dirigée de bas en haut etc.»),environ 20% sous la forme de bulles, les 80% restant s’échappant par diffusion à travers la surface du vin contenu dans la flûte. Au cours de ce lent processus de dégazage, jusqu’à 2 millions de bulles prennent le large…
Une vie de bulle
Naissance, ascension, migration, éclatement fatal : telle est la vie d’une bulle…
Les bulles ne naissent pas ex nihilo : à la base de chaque chapelet de bulles, se trouve toujours une microscopique particule de matière. Dans la majorité des cas il s’agit d’une particule de fibre de cellulose laissée par le torchon d’essuyage ou issue de l’air ambiant, capable de piéger des germes gazeux ; c’est par son intermédiaire que le gaz carbonique parvient à fuir. Pour s’en convaincre il suffit de verser un vin effervescent dans une flûte « scientifiquement » nettoyée et mise à l’abri de toute poussière ambiante pour constater que pas une bulle n’y prend naissance (expérience faite par le laboratoire de recherche Moët & Chandon) ! La bulle qui vient de naître est encore invisible et c’est au cours de son ascension qu’elle grossit progressivement en se nourrissant des molécules de gaz carbonique qu’elle rencontre. Elle arrive à la surface à une vitesse d’environ 0,5km/h (comme une tortue) et mesure près d’un millimètre de diamètre. C’est parce qu’elles sont très nombreuses et très proches que les bulles donnent l’impression d’aller si vite.
Les bulles ne s’élancent pas dans la flûte pour nous offrir un spectacle uniquement visuel : les bulles impliquent l’odorat et l’ouïe ; en brassant le vin, elles exhalent ses arômes et de plus, elles chantent. Cette mélodie n’est pas une illusion : pour éclater, une bulle mobilise une énergie considérable libérée sous la forme du jaillissement mais aussi d’une onde sonore, le petit « pop » qui, multiplié par milliers caractérise le bruit du vin effervescent. Arrivées au sommet, la plupart des bulles disparaissent. Les plus vaillantes vont se regrouper vers les bords de la flûte et former un fin cordon, la charmante collerette chère aux amateurs, avant l’éclatement final. La bulle meurt dans le brouillard. Le nuage que l’on observe à la surface de la flûte au cours des premières secondes de versement tient au fait que chaque bulle qui éclate produit environ cinq gouttelettes, d’où la présence de ce délicieux brouillard exhausteur d’arômes. Pop ! La bulle est morte, vive la bulle !